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Pour une iconographie de la table rase : « OS CANDANGOS »

@Guillaume Linard Osorio, saut dans le vide, 1960
@Guillaume Linard Osorio, saut dans le vide, 1960

Pour une iconographie de la table rase : « OS CANDANGOS »

Guillaume Linard Osorio

Pour une iconographie de la table rase : « OS CANDANGOS »

Vidéo, 2010

Le premier choc à la vision de cette œuvre de huit minutes (née d'un travail d'une année de reprise image par image d'une séquence culte de "L'Homme de Rio" de Philippe de Broca) est celui d'une vision quasiment spectrale de Brasília, dans laquelle tous les corps ont été implacablement effacés. Outre le discours de l'artiste, qui prend comme ressort narratif l'éradication sociale des hordes de journaliers du bâtiment qu'il s'agissait d'effacer du récit de l'édification d'une nouvelle capitale destinée aux classes moyennes et supérieures, ce qui a guidé le choix de la structure en faveur de cette œuvre est aussi l'actualité paradoxale et glaçante de cette mise à distance des corps dans le contexte sanitaire actuel de "distanciation", où la matérialité même du corps devient source de crainte dans une stigmatisation du contact physique en une espèce de "décorporisation" de nous-mêmes. D'heureux aléas techniques imprévus dans la vidéo, qui créent des pulsations aléatoires dans l'image, semblent évoquer une résistance des corps à leur négation qui est encore d'actualité, en une forme de pont temporel à des décennies de distance. Incidemment, Lúcio Costa et Óscar Niemeyer (urbaniste et architecte de Brasília) ou encore Françoise Dorléac (dont "L'Homme de Rio" fut son premier grand succès populaire) eurent tous des destins liés à Nice ou à la Côte d'Azur, autres pistes que le Forum a offert à Guillaume Linard Osorio de se saisir pour proposer un travail inédit et unique pour offrir de s'immerger dans son œuvre filmique.

 

Le point de départ de la vidéo "Os candangos" est un extrait de "L’Homme de Rio", un moment précis où Jean-Paul Belmondo est poursuivi dans la ville de Brasília. Outre la dimension burlesque du film original, ce passage offre un point de vue exceptionnel sur la ville en 1964, avant l’arrivée des habitants officiels. En 1964, quand Philippe de Broca tourne "L’Homme de Rio", Brasília est un vaste chantier. Avant d’abriter les classes moyennes et hautes si recherchées, la ville doit composer avec une population indésirable mais indispensable, les constructeurs. Appelés aussi "candangos", cette population peu qualifiée d’origine rurale représente 55% de la population active. Il n’est alors pas question pour le gouvernement qu’elle s’installe durablement dans le District Fédéral, aussi est-elle logée directement sur le chantier.

 

A propos de l'artiste 

"Mon travail consiste ici à faire ressortir la dimension documentaire de ce passage au détriment du scénario. L’ensemble de la séquence est retravaillé image par image ; Jean-Paul Belmondo y est effacé ainsi que toute trace de vie, ce qui focalise le regard sur le chantier de la ville, qui fait office de décor pour le film. En privant le film de ses acteurs il s’agit d’évoquer l’effacement politique de cette population. Les traces que laisse la technique de rotoscopie sur le film original sont alors autant de spectres qui révèlent a fortiori la présence des ouvriers dans la ville. Au final une forme d’action et de rythme subsistent, soutenus par les acteurs invisibles qui inscrivent la ville dans un chaos temporel. Le vent et la poussière règnent. Brasilia, point d’orgue du modernisme, devient ville fantôme".

Guillaume Linard Osorio